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La lingerie féminine fait enfin le pari de la diversité

Le marché des dessous fait grise mine en France. Les ventes du secteur sont en repli de 4,8 % sur les dix premiers mois de 2018 selon Kantar Wordlpanel, le Salon International de la Lingerie (SIL) enregistre une baisse de sa fréquentation de 10 % sur son édition de janvier 2019, et des acteurs historiques comme Barbara ou Huit ont disparu… Mais il se passe quelque chose sur la planète dessous. Taya de Reyniès, directrice de la division lingerie d’Eurovet, l’organisateur du SIL, relevait la satisfaction des acheteurs face au renouvellement de l’offre lors de la dernière édition : « Les nouvelles marques présentes, assez pointues et en phase avec les attentes sociétales, et même certains acteurs bien installés qui repensent leur image et leur offre, proposent une optique novatrice qui s’adresse à toutes les femmes dans leur diversité ».

Perçu comme un secteur très traditionnel et hors tendance, la lingerie serait-elle en pleine mutation ? Bousculés par les acteurs mode et sport qui sont venus chasser sur leurs terres, les spécialistes du sous-vêtement repartent à la conquête des consommatrices et notamment les plus jeunes, ces millennials qui passent leur vie sur les réseaux sociaux, à la recherche de modèles qui leur ressemblent. En partie à leur demande et sous leur impulsion, les podiums deviennent plus inclusifs, avec des hommes, des femmes, des morphologies et des couleurs de peau différentes, dessinant les contours d’une mode plurielle. Leurs chantres : le top anglo-ghanéen Adwoa Aboah, les mannequins américains Ashley Graham et Hari Nef, ou encore l’Anglaise Charli Howard, qui militent sur leurs comptes Instagram (respectivement 750 000, 8 millions, 790 000 et 152 000 abonnés) et à cours d’interview pour une mode sans discrimination basée sur la race, le genre, la religion ou le corps. Mais aussi l’ultra médiatique Rihanna, qui part sa ligne de lingerie Savage x Fenty promeut l’image d’une beauté féminine plurielle.

Des produits adaptés aux nouvelles morphologies

Pour la lingerie aussi, l’inclusivité semble être le nouvel outil de séduction. Une inclusivité qui passe par la représentation des femmes dans les campagnes de publicité, mais aussi par le choix des produits qui leur sont proposés. C’est le pari que fait le groupe Wolf Lingerie à travers sa marque Sans Complexe. « Nous avons réalisé une étude avec Ifop sur 1 000 femmes et nous en avons tiré deux enseignements principaux. Les femmes sont encore complexées par leurs corps, et l’achat de lingerie reste un acte compliqué, engendrant de la frustration », explique Stéphanie Schussler, chargée du marketing pour le groupe alsacien.

Spécialiste des « beautés généreuses », Sans Complexe révèle que 78 % des femmes sont à la recherche de confort quand elles achètent un soutien-gorge, chiffre porté à 87 % pour celles qui font un bonnet E et plus. Résultat : 47 % des femmes qui disposent d’un bonnet C et plus préfèrent acheter des soutiens-gorge dont le style ne leur convient pas, mais qui soient confortables. Un pourcentage qui monte à 54 % pour celles qui affichent un bonnet E et plus.

« Nous lançons Miss Sans Complexe pour le printemps-été 2019, parce que nous nous rendons compte que les jeunes générations ont plus de poitrine tout en étant plus menues que leurs aînées. Cette clientèle-là connaît une vraie frustration, parce qu’elle ne trouve en magasin que des modèles qui ne sont pas de leur âge. Miss Sans Complexe est plus moderne, plus sexy, avec des types de dentelle différents, des dos croisés, et démarre au 85, avec des bonnets du C au F », détaille Corinne Duquin Andrier, directrice marketing, offre produit, digital et sélectif de Wolf Lingerie. Pour s’offrir une parure, disponible en grandes surfaces et en magasins spécialisés, il faudra débourser 60 euros, en adéquation avec le positionnement accessible de la griffe.

Prendre en compte les envies de la jeune génération, c’est également le pari du groupe PMC Lingerie. L’entreprise, qui développe notamment la marque Mojito, lancera en grande distribution à partir du mois de juin prochain une nouvelle gamme nommée Baiser Volé. Soutiens-gorge, bas, nuisettes, bodys… Des pièces disponibles du 90D au 115F, jusqu’au 58 pour le bas, pour un ensemble vendu entre 35 et 40 euros.

Maison Lejaby, qui a toujours eu une gamme spécifiques aux grandes tailles, Elixir, a ainsi également décidé d’étoffer ses lignes principales les plus mode avec davantage de bonnets profonds. La gamme Nufit propose désormais un modèle allant jusqu’au bonnet H et les lignes Venus, June, Fiorella et Attrape Fleur introduites au cours de l’année 2019 présenteront des pièces allant jusqu’au F voire au H selon les soutiens-gorge.

Athena Secret de Beauté lance quant à elle une collection nommée Beauté Pulpeuse, disponible jusqu’au 105F et au 52 pour le bas et comprenant un modèle pour faire du sport. Même son de cloche chez les Transalpins de Cosabella qui viennent de dévoiler leur collaboration avec le spécialiste américain des grandes tailles, propriété de Walmart depuis octobre 2018, Eloquii. De quoi faire dire à Silvia Campello, la coprésidente directrice générale de la marque italienne : « Nous sommes ravis d’enfin créer pour des clientes pour lesquelles nous n’avions pas eu la possibilité de créer auparavant ».

Des campagnes plus proches de la réalité

En plus de présenter des collections adaptées à toutes les morphologies, les marques adaptent aussi leurs campagnes pour mieux représenter la société. Elles sont nombreuses, en lingerie, à avoir renoncé aux mannequins standardisés des magazines promouvant un certain idéal de perfection, pour des femmes qui ont une attitude, qui sont réelles et ressemblent aux filles du quotidien. C’est le cas de Baiser Volé, qui pour sa première campagne a lancé un casting sauvage sur les réseaux sociaux remporté par Marie, une secrétaire médicale de Montpellier. Mais aussi de Chantelle, qui en guise de nouvelle égérie a porté son choix sur Tehya Elam, de l’agence américaine Natural Model Management dont l’engagement est de représenter une vraie diversité des corps féminins.

« Les femmes que nous représentons dans notre communication peuvent être fortes et vulnérables, courageuses et douces, ambitieuses et généreuses. Elles n’ont pas à être parfaites ou parfaitement imparfaites (…) La question de la femme et de la féminité est un sujet vaste et exigeant, et nous cherchons à proposer une variété de réponses », déclare ainsi Renaud Cambuzat, directeur de la création et de l’image du groupe CL (Chantelle, Chantal Thomass, Passionata…), dans un livret d’intention distribué à l’occasion du SIL où le groupe a remporté le prix du créateur lingerie de l’année.

Les jeunes créateurs, eux, n’ont pas attendu pour embrasser ce phénomène d’inclusivité. Quand ils créent, c’est pour tout le monde, tout de suite. C’est le cas de Nubian Skin, qui propose de la lingerie et des bas nude dans des tons généralement absents du marché. « Malgré que les femmes de couleur aient les mêmes besoins que toutes les femmes quand il s’agit de lingerie et de bas, l’industrie ne se soucie tout simplement pas d'(elles). J’ai donc pensé qu’il était temps de repenser la définition de nude », explique Ade Hassan, qui travaillait dans la finance avant de lancer cette griffe. Un projet pour lequel elle s’est vue décorée en 2017 de l’Ordre de l’Empire britannique par Buckingham.

Repérée sur l’espace Exposed au dernier Salon International de la Lingerie, la toute jeune griffe danoise Moons and Junes cherche de son côté à s’adapter à toutes les morphologies. A partir de son expérience, celle d’une jeune femme qui fait un bonnet A, sa créatrice Agnete Bjerre-Madsen a décidé de proposer des soutiens-gorge confortables avant tout, sans armatures et sans rembourrage. En tout, cinq haut différents, quatre bas et un système de tailles simplifié pour combler les femmes jusqu’au 105F.

Même parti pris chez l’ancien mannequin Maïke Lüdenbach, à l’origine de la griffe Löv, rencontrée sur Exposed également. Elle a désiré monter une marque « anti-body shaming », qui fait l’éloge des femmes avec des poils sous les bras, de la cellulite, des vergetures et des rides. Avec pour motto #lövyourself, la griffe déroule son manifeste : « Les femmes partout dans le monde sont en train de retravailler la signification de « sexy » (…) Une nouvelle génération de filles et de femmes se définissent à travers celles qu’elles ont envie d’être et non ce à quoi elles ressemblent ».

Des business pensés par des jeunes femmes pour les femmes qui devraient faire réfléchir le géant du secteur Victoria’s Secret, vilipendé sur les réseaux sociaux en décembre dernier à cause de son manque de représentativité et de réalité sur son défilé.

Source : Fashionetwork